Un printemps à Kyôto

Publié le par lydie desbats

A Kyôto, où réside l’âme du Japon, temples et jardins zen, parcs et palais forment, entre collines et rivières, le décor de l’O-Hanami, « la contemplation des fleurs », à laquelle se livrent tous les japonais. A découvrir au printemps, quand les cerisiers sans fruits se couvrent de pétales blancs et roses.

img145/4746/suitepaques2007009fl9.jpg

« Sous les fleurs de cerisier grouille et fourmille l’humanité », dit le haïku inspiré de Kobayashi Issa (1763-1827). S’il vivait aujourd’hui, le poète dirigerait-il ses geta (socques en bois traditionnelles) vers le parc Maruyama un samedi soir d’avril, lorsque fleurissent les cerisiers ? Il y croiserait tous les Kyôtoïtes, en foule et famille, et même une part non négligeable du reste de la population japonaise accourue de tout l’archipel pour admirer cette extraordinaire nuée blanche et rose. Car  « O-Hanami », littéralement « la contemplation de s fleurs » est une fièvre qui s’empare de tout le pays à la première annonce de l’éclosion de la première fleur.

img235/3996/sanstitre71304zz9.png

On a surveillé l’événement depuis Okinawa, l’île du sud : la vague vaporeuse remonte en quelques semaines jusqu’à Hokkaido où elle s’éteindra vers le 20 mai, peut-être. Mais, à quelques jours près, nul n’est sûr de rien et les médias se relaient pour débusquer le pétale annonciateur et pronostiquer la date juste. A Kyôto, le bonheur durera une semaine, dix jours tout au plus. Alors, il faut en profiter et courir, par exemple, rendre hommage au célèbre « shidare-zakura » millénaire de cet immense parc du quartier d’Higashiyama, à l’est de la ville, cerisier pleureur planté comme un gigantesque totem au-dessus de la foule ébahie. Pas une silhouette humaine qui n’ait, dans la nuit constellée, tendu le bras loin du corps : on photographie à grands renforts de téléphone portable les branches illuminées, qui évoquent tantôt un feu d’artifice immobile, tantôt les lamelles déployées d’un éventail en plumes d’autruches. Une fois l’image captée pour l’éternité ou presque, le promeneur nocturne ira rejoindre sous les arbres un groupe de joyeux fêtards, assis en tailleur et sans chaussures sur une bâche en plastique bleue à même le sol. Le saké, la bière Asahi, voire le vin ou le champagne français y coulent à flots dans une ambiance bon enfant où l’on a oublié le sacro-saint respect des hiérarchies sociales. On échange boulettes de riz aux trois couleurs et fleurs de cerisiers en saumure de l’an passé, on a apporté des gâteaux sakura-mochi, enrobés de…feuilles de cerisiers. La vie est si brève, voilà  ce que nous enseignent ces fleurs fragiles(…)

img256/104/sanstitre17kyoto2ol5.png

O-hanami était autrefois un passe-temps de l’aristocratie qui avait tout loisir de s’asseoir sous les frondaisons neigeuses et d’écouter les poètes de la cour comparer cette évanescence florale à la nature des samouraïs, nobles chevaliers dont la vie de combats est aussi éphémère qu’un clair de lune ou une neige de janvier.

 

 

Valérie Bougault, Connaissance des Arts mars 2007

 

Publié dans Japon

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article